Parlez-nous de votre parcours. Comment êtes-vous arrivé à ce métier et à vous développer aussi considérablement ?
Ne souhaitant pas reprendre le magasin de mes parents, j’ai opté pour un métier artistique sans trop savoir où j’allais. Passionné par le dessin j’ai découvert l’architecture intérieure qui m’a finalement ramené inconsciemment vers l’univers des magasins. Je me suis très rapidement spécialisé dans l’architecture commerciale. Après des études à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art à Paris, j’ai travaillé dans des agences de design pluridisciplinaires comme le Groupe ENFI Design, puis au sein de l’agence TECHNES comme directeur associé, et à l’agence EURO RSCG Design comme directeur de création. Aujourd’hui, je suis à la tête de ma propre agence, PRINZDESIGN et je suis partenaire de l’agence de design AKDV où nous développons actuellement «l’Archigraphik », une nouvelle tendance qui lie graphisme et architecture.
Je crois que ce sont véritablement des rencontres qui ont permis à ma carrière de prendre cette ampleur, notamment celles avec Philippe Houzé ou Alain Boutigny. Le goût de l’échange et de la communication est quelques choses de très important pour développer sa carrière. De mon côté, j’ai une véritable passion du commerce liée à une soif de curiosité. J’aime les grandes métropoles: New York, Milan, Tokyo, Paris, avec leurs rues commerçantes, leurs magasins, leurs centres commerciaux. Les voyages nourrissent beaucoup mon travail, ils enrichissent mon regard.
Quelle est votre vision du métier d’architecte de commerce ?
Pour faire ce métier il faut être curieux, et avoir une attirance certaine pour l’univers des magasins, du commerce et de la consommation. Il faut écouter les tendances, les styles, aimer créer et s’exprimer. Il est également important d’apporter de vraies nouvelles idées, des visions prospectives.
Porter de l’intérêt aux matières et aux matériaux, aux éclairages, aux circuits. Aimer les produits et leur mise en valeur, aimer franchir la porte d’un magasin, ressentir son atmosphère et son organisation. Le commerce est pour moi un vrai besoin vital. Il est nécessaire et utile et il continue une vieille tradition qui existe depuis de nombreuses années depuis les marchés, véritables lieux de vie et de convivialité, indispensables à la rencontre et au marchandage.
Qu’est-ce qui lie votre métier avec celui du design graphique ou musical, deux secteurs qui participent également à l’architecture d’une marque ?
Les marques ont besoin de spécialistes dans chaque domaine même si les travaux autour du son, du graphisme et de l’architecture sont liés. Le graphisme est un élément complémentaire et indissociable à l’architecture commerciale. Dans tout commerce il y a une enseigne, un logo ou une typo qui va s’appliquer sur différents supports. Le design graphique est un élément fort de communication identitaire pour les marques, visuel, comme le travail sur l’architecture.
Le design musical, au même titre que le design graphique accompagne la marque dans son positionnement mais crée un autre type d’émotions en empruntant un canal différent et en suscitant un autre sens: l’ouïe. Pour ce qui est de la sonorisation d’espaces, l’objectif est autant d’obtenir un bien être en magasin que d’ apporter plus de sens et de renforcer les valeurs identitaires dans l’espace. Ces trois différents métiers participent ensemble à l’architecture de marque et à son commerce. C’est pourquoi ils doivent dialoguer ensemble.
Le design musical a le vent en poupe, notamment la sonorisation d’espace. Quel est votre avis sur l’habillage sonore des magasins ? Il y a-t-il des réalisations qui vous plaisent, lesquelles et pourquoi ?
J’aime quand le design sonore s’harmonise avec l’architecture d’un point de vente, c’est important. Il faut l’entendre sans nécessairement l’écouter. Le design musical doit être réfléchi et intelligent pour marquer un lieu dans le bon sens du terme: une force évocatrice. Il doit permettre d’évoquer des images, des valeurs sans se faire remarquer, sans s’imposer. Tout comme une musique de film peut évoquer des images qui restent gravées dans nos mémoires, le génie du design musical est de véhiculer subtilement des émotions et accompagner avec justesse le visuel. La musique a un pouvoir immense. Elle entre directement dans notre inconscient et agit sur nos émotions avec une grande finesse.
La notion de « design » musical sous-entend un savoir faire qui doit être l’adéquation entre un DESSEIN et un DESSIN. Il ne s’agit donc plus de faire des choix subjectifs, mais de travailler en ayant bien à l’esprit les répercutions que cela aura sur les consommateurs dans le respect d’une stratégie et d’un positionnement commercial. Il faut aussi bien être expert dans le dessein que dans le dessin au service de la marque et de son univers.
L’architecture commerciale n’est pas une œuvre d’art, ni le résultat de gestes gratuits, mais c’est une réponse précise où chaque élément est étudié pour répondre à un positionnement commercial et obtenir un résultat économique. Le design musical se situe dans cette même démarche avec les mêmes objectifs. L’habillage sonore des lieux de vente nécessite une sérieuse réflexion en amont et du talent pour la réalisation. Si je ne suis pas en mesure de vous donner des exemples d’habillages d’espace qui m’ont touché, c’est que je ne les ai pas remarqué particulièrement. Cela veut dire qu’ils se sont bien intégrés à l’univers de la marque et qu’ils ne se sont pas imposés. Je crois que c’est ainsi que cela devrait toujours se passer.
Quelle est pour les magasins une bonne manière d’aborder la question de la musique ?
Il me semble indispensable d’intégrer les recherches sur le design musical en même temps que la démarche créative graphique et architecturale d’un concept commercial. La conception ou la rénovation d’un point de vente s’établit en plusieurs étapes qui vont de la recherche du positionnement de l’enseigne, de la création du concept avec l’expression graphique et architecturale, la réalisation des prototypes, l’analyse des répercutions positives et négatives du concept jusqu’à la réalisation d’un site pilote et enfin les travaux jusqu’à l’ouverture du point de vente. Au bout de quelques mois de mise en service du magasin, la sixième étape permet de développer le concept à travers un réseau de points de vente et d’industrialiser le concept. Dans cette démarche assez traditionnelle, le design musical peut et devrait s’intégrer dès la première étape du concept, et proposer des « idées musicales » dès les premières présentations graphiques et architecturales du concept du point de vente. Ainsi, la cohérence entre l’architecture et le design musical du lieu serait réussie, ayant établi un profond dialogue garant de la maturité d’un projet.
Selon vous, quelles sont les qualités requises pour réaliser un travail efficace de la musique sur les points de vente ?
C’est la synergie entre le créateur de design musical et l’agence de design qui fera la qualité du projet. Car le positionnement et la stratégie seront travaillés conjointement, et les spécialistes dans chacun de leurs métiers travailleront dans un même esprit.
Mais c’est surtout au maître d’ouvrage, le client, de prendre conscience de l’intérêt de regrouper tous les spécialistes de la création dès le début d’un projet, de savoir les réunir pour trouver cette cohérence nécessaire et indispensable pour l’unité du projet.
On pourrait comparer cette démarche à celle d’un orchestre, où chaque musicien connaît parfaitement son instrument, mais pour qu’il y ait une harmonie entre chaque spécialiste, il est nécessaire d’avoir un chef d’orchestre qui coordonne et donne le ton et l’harmonie pour créer un ensemble cohérent et harmonieux.
Architecture commerciale et design musical, quels sont leurs points communs ?
L’émotion, la sensibilité, l’ambiance, l’atmosphère, l’harmonie, la cohérence, le style, le bien être, sont des termes qui conviennent aussi bien pour décrire l’architecture commerciale comme le design musical.
Quel impact a sur vous la musique ? Quels sont vos goûts ?
Je travaille toujours avec de la musique et suis très sensible à la musique baroque, de Jordi Savall à l’Arpeggiata de Christina Pluhar, qui mélangent des airs populaires d’origines espagnoles, portugaises ou italiennes et qui ont été repris par tous les grands musiciens comme Bach, Scarlatti , Corelli, Vivaldi, Diego Ortiz, Couperin, ou Marin Marais. Les larmes d’une viole de gambe de Marin Marais ou Monsieur de Saint Colombe me touchent aussi beaucoup comme tout Mozart, des symphonies aux sonates, en passant par les messes, les concertos et les opéras. Je suis un inconditionnel de la Flûte enchantée. Je suis allé plusieurs fois entendre cet opéra dans des versions très différentes, dont celle interprétée par le groupe d’Afrique du Sud, Isango Portobello/Young Vic, version magnifique d’émotion et de sensibilité qu’il faut absolument découvrir. J’aime également la chanson française avec Brassens, Brel, et les Têtes Raides, les grands classiques de la musique américaine : Bob Dylan, Léonard Cohen et Ry Cooder qui sont pour moi les meilleurs musiciens.